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mardi 25 novembre 2014

ISRAËL SERA ENFIN UN ÉTAT JUIF



ISRAËL SERA ENFIN UN ÉTAT JUIF

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps

            
Déclaration d'Indépendance

          Ceux qui ont fait leur alyah doivent être enfin rassurés. Ils sont bien venus en Israël pour poser leurs valises dans un État juif car, jusqu’alors et jusqu’à la décision de Benjamin Netanyahou de voter une loi dans ce sens, ils vivaient dans un pays sans identité précise. Le gouvernement israélien a approuvé, le 23 novembre 2014 par 15 voix contre 7, le projet de loi fondamentale sur le caractère juif de l’État d’Israël. Mais rien n'est acquis puisque la Knesset se prononcera sur ce texte dans les prochains jours.

Selon le premier ministre : «Cette loi est plus que nécessaire au moment où beaucoup de gens remettent en question l’idée qu’Israël est le foyer national du peuple juif. Je ne comprends pas aussi ceux qui appellent à deux États pour deux peuples, mais qui en même temps s’opposent au caractère juif de l’État d’Israël. Ils sont prompts à reconnaître un foyer national palestinien, mais sont farouchement opposés à un foyer national juif».


Entêtement politique


Le Cabinet israélien

Dans une sorte d’entêtement politique, Benjamin Netanyahou remet à nouveau sur le tapis son projet de voir Israël reconnu comme État juif. Plusieurs partis refusent cette loi qui  mettrait en danger, selon eux, le sort de la communauté arabe israélienne au sein du pays. Cela fait plus de 66 ans que l’État d'Israël existe sans qu’aucune autorité politique n’ait eu le besoin d’affirmer une telle identité.
Même si le pays ne dispose pas de Constitution, la déclaration d’Indépendance de l’État d’Israël fait foi et elle est autrement plus légitime qu’aucune loi votée par la Knesset.  Cette déclaration a déjà statué sur ce problème en précisant que «le 29 novembre 1947, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution appelant à la création d'un État juif en Erez Israël… Cette reconnaissance par les Nations-Unies du droit du peuple juif à établir son État est irrévocable». Mais la phrase la plus révélatrice entérine le fait que «ce droit est le droit naturel du peuple juif d'être maître de son propre destin» puis en conclusion, les représentants juifs «déclarent la création d'un État juif dans le pays d'Israël».
Menahem Hofnung

Il n’est pas nécessaire de demander plus de critères pour caractériser l’État d’Israël puisque ses textes constitutifs, qui priment sur toute autre loi, entérinent ce qui pendant 66 ans ne faisait aucun doute. Sauf à user de sémantique pour extraire l’essence des mots, la loi de Netanyahou semble donc faire double emploi car la déclaration d’indépendance s’impose à toute autre loi fondatrice. Menahem Hofnung, professeur de sciences politiques à l'université hébraïque estime que : «Il existe déjà des lois stipulant qu'Israël est juif et démocratique. Donc, je ne suis pas sûr de l'intérêt d'une autre loi, si ce n'est de mettre un nouvel obstacle au processus de paix.»

État nation



            En fait la loi se définit comme «une loi de l’État nation» qui met la démocratie en seconde position puisque Israël  est qualifié en priorité d’État juif avec une forme démocratique de gouvernement et non pas d’État juif et démocratique. Tsipi Livni et Yaïr Lapid, qualifiés de faibles par Netanyahou, n’approuvent pas ce texte. Lapid s’est emporté contre cette accusation : «Ceux qui ne pensent pas comme vous monsieur le premier ministre, sont faibles. Sur ce critère Menahem Begin et Jabotinsky l’auraient été aussi». Les autres députés de Yesh Atid et de Hatnoua s’opposent au projet de loi qui, compte tenu des oppositions, risque de ne pas passer à la Knesset.
Méïr Cohen

            Le ministre des affaires sociales, Meïr Cohen, estime que cette loi s’opposerait aux principes fondateurs de l’État d’Israël puisque la déclaration d’Indépendance définit Israël comme un État juif démocratique et cette définition régit les bases du mouvement sioniste depuis sa création. Cette nouvelle formulation met clairement et sans équivoque la dimension juive d'Israël au-dessus de la dimension démocratique. Certains y voient une volonté de changer la nature fondamentale de l'État et craignent que la loi juive, la Halakha, se substitue un jour au droit civil. La minorité arabe risque d’être progressivement touchée ainsi que les Juifs laïcs dans le cadre de mesures orthodoxes touchant à la vie publique. La volonté de court-circuiter la Cour suprême, considérée vendue aux gauchistes, inquiète aussi ceux qui pensent qu’un jour le tribunal rabbinique aura le dernier mot en droit.

            Avec le risque d’annexion totale de la Cisjordanie on pousserait ainsi de nombreux Israéliens à émigrer vers des cieux plus cléments et moins radicaux sur le plan de la religion. En donnant une connotation purement religieuse à un État qui s’appuierait sur les lois de la Halakha, la loi religieuse, les tenants de ce dogme combattent en fait les laïcs israéliens qui considèrent que leur identité s’exprime en dehors du rabbinat. Ces derniers préfèrent la notion «d’État des Juifs» qui enlèverait toute référence à la religion et qui permettrait, selon eux, la coexistence avec les musulmans et les chrétiens dans un pays qui est aussi le leur.

Sionistes historiques

            On a peu entendu le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, dont la conviction laïque est clairement affichée. Leader populiste, il est gêné face à ses électeurs constitués d’une communauté d’immigrés russes qui ont perdu leurs repères juifs sous le régime soviétique. Il avait d’ailleurs proposé de modifier le serment des députés de la Knesset pour qu’ils jurent dorénavant leur loyauté non pas à «l'État d'Israël et à ses lois»,  mais «à l’État d’Israël en tant qu'État juif et démocratique». Sa proposition n’avait pas été acceptée.
Gouvernement de Ben-Gourion en 1952 avec les religieux

Les sionistes historiques, et Ben Gourion en particulier, n’ont jamais milité pour la création d’un État destiné à la religion juive, mais plutôt pour regrouper l’ensemble du peuple juif soumis à des lois civiles et non religieuses. Le fondateur d’Israël avait fait le choix de négocier avec les autorités orthodoxes un statu quo qui régit les relations entre l’État, la religion et les religieux, avec, entre autres, le shabbat et les fêtes juives comme jours fériés, le financement du rabbinat et des institutions religieuses, ainsi que la reconnaissance et le financement, dans le système éducatif, de courants religieux et orthodoxes.
Certes, il s'est appuyé sur certaines sommités religieuses, les a associées aux décisions du pays, mais il ne leur a jamais donné le droit de légiférer au moyen de la Torah. C’est pour cela que les orthodoxes ont toujours été opposés à la création de l’État d’Israël, surtout par des hommes laïcs. Derrière l'offensive sémantique des dirigeants nationalistes se cache à peine le désir de faire d'Israël un État peuplé uniquement de Juifs, de façon à décourager les Arabes d’envisager leur avenir à côté d’eux. Mais en cas d’annexion de la Cisjordanie, il n’y aurait pas d’autre choix.


Le président de l’État, Réouven Rivlin, a d’ailleurs sévèrement critiqué cette proposition de loi : «Que recherchent les hommes qui veulent promouvoir cette loi ? Pourquoi plutôt ne pas s’interroger sur les raisons de la réussite de l’entreprise sioniste dans laquelle nous avons la chance de vivre ?»La qualification religieuse de l’État d’Israël devient le nouveau cheval de bataille du premier ministre qui risque ainsi de faire éclater sa coalition gouvernementale. 
C’est peut-être la stratégie choisie pour justifier des élections anticipées au moment où il se trouve très haut dans les sondages. Il pourrait ainsi rallier à lui les sionistes religieux et certains orthodoxes qui émargent dans d’autres partis que le Likoud. À moins que le premier ministre ne  cherche, par cette loi, à camoufler son échec de convaincre le monde occidental du danger de laisser l’Iran de devenir un État nucléaire avec ses centrifugeuses et son combustible nucléaire.

2 commentaires:

Mivy a dit…

Cette analyse est très inquiétante, la montée des nationalistes religieux, le poids exorbitant du Grand Rabbinat, l'évolution démographique sont des menaces pour la démocratie du pays qui pourrait devenir assez rapidement une théocratie. Il suffirait que dans l'Etat Juif, la source du droit soit juive, donc Halakhique, logiquement, les rabbins auraient le contrôle de la constitutionnalité des lois, c'est à dire leur conformité avec la Thora.
Comme en Iran, le politique serait soumis au religieux et il n'y aurait plus de démocratie, vu que la source du pouvoir ne serait plus le peuple.
On en est pas encore là, mais on en prend la route.

Pierre MONTMORY a dit…

En relisant l'Ancien Testament je me suis demandé ce que le mot juif
pouvait signifier.

La réponse qui m'est venue est que le mot juif signifie l'Homme, que ce livre est le livre des Hommes, de tous les êtres humains. Qu'il y a là d'écrit toute la geste commune, tout ce que nous sommes capables de faire dans notre histoire humaine qui ne fait que se répéter comme nous nous répétons de génération en génération, de gestation en gestation.

Et je comprends pourquoi je
trouve les croyants et pratiquants arrogants et vaniteux car ils
s'enferment dans une identité, se cachent derrière un masque pour ne
plus voir que leur fantasme, comme si le dieu leur appartenaient en propre et ils édifient des établissements et des états qui correspondent à leurs visions de cloportes et ainsi ils tuent le rêve et l'utopie de l'idéal commun qui devait rester une quête pour chaque être humain en
exil sur cette île terrestre.

Ceux qui se sont érigés en maîtres de
cérémonie, en gardiens non pas du livre mais de ses applications, ces
faiseurs de lois et de "on doit" sont les usurpateurs du trône de l'esprit, une élite qui pourfend l'intelligence qui est partagée naturellement entre tous les humains. Une élite qui se corrompe facilement quand elle est en contact avec les marchands de biens et les exploiteurs de la nature. Une élite qui peut utiliser les forces de
l’oppression impériale pour interdire la libre pensée de se dire, et
contre toute velléité de révolte légitime et naturelle du troupeau égaré par eux à force de divisions. Ils divisent pour régner avec les forces de l’ordre et instaurent des différences parmi les êtres humains.

Ceux qui sont trop différents, poètes et savants et libres penseurs seront
inquiétés, questionnés, éliminés et le troupeau soumis laissera périr
les meilleurs au prix de son propre malheur, les docteurs de la foi et
du mensonge leur inculqueront la haine de la liberté. Et, en cette fin, ils établiront la misère d’un coin à l’autre de la Terre. Il ne suffira plus de souffrir seulement à cause des épreuves de la vie elle-même, mais, en plus de s’humilier en nous sacrifiant pour des maîtres
idéologues. Alors, qu’étant tombés du ventre de notre mère – et déjà
sacrifiés à l’avance avec pour effet notre propre mort - , nous nous
étions relevés pour vivre debout, face à l’Éternel et sans rien ni
personne pour nous faire de l’ombre.

Heureux celui qui n’est pas aveuglé par la lumière des fous, heureux celui qui laisse venir à lui le
mystère et s’en contente.